lundi 28 avril 2008


Salut tout le monde et bienvenue sur mon blog! J'utiliserai cette page pour partager cette aventure malienne avec vous autres... Et vous, envoyez moi de vos nouvelles!! Ça fait toujours plaisir de vous lire. 

Comme vous savez, je vais participer en tant que responsable d'équipe au projet de mutuelle de santé de l'ONG Carrefour canadien international au Mali. Responsable d'équipe.... hummmm... je vous avoue que cette partie là me fait plus peur que la partie Mali. Tout un défi pour moi.... Depuis l'automne, j'apprends à connaître ces 6 femmes avec qui je vais vivre cette belle aventure là. Elles m'impressionnent!  Je vous laisse lire un très bel article de l'excellente journaliste Josée Blanchette (Le Devoir). Elle parle de son expérience au Népal et de la façon dont les personnes avec qui elle est partie l'ont marqué. Ça rejoint bien ce que je pense des filles que j'ai connu au Mali en 2005 et de celles que j'apprends à connaître cette année. Bonne lecture et au plaisir de vous voir avant de partir
christine xxxxx

"En quittant l'aéroport PET, nous étions des Morin, des Thiffault, des Lalonde, des Leblanc et des Blanchette. Mais une fois grimpées à 3000 mètres dans les hauteurs himalayennes, l'évidence nous a sauté au visage comme un tika rouge en plein milieu du front: nous devenions des "Poune", l'équivalent des Tremblay au Québec. Nila Poune, Nita Poune, Tika Poune ou Moumoune Poune (la porte-parole): nous étions désormais une nouvelle famille de poupounes qui affronteraient pendant 10 jours les joies et les vicissitudes de la proximité, de l'adversité, de la solidarité, de la complicité, de l'émerveillement et de l'égarement inhérent au nomadisme.
Et tout ça avec humour. Nous devenions responsables de tout et de chacune de ses parties, "warts and all", comme disent les vrais amoureux.
J'ai pris conscience de nos liens consanguins après une énième conversation sur l'état de nos viscères au petit-déjeuner mais surtout lorsque nos 25 sherpas se sont perdus à la septième journée parce que deux villages portaient le même nom dans un rayon de 10 km. 
La famille Poune a procédé à une "mise en commun" (une réunion en jargon communautaire) pour décider qui coucherait sur le sol en terre battue de l'école de Marang et qui irait dormir avec les poules chez le directeur d'école. J'étais mandatée pour les poules (ou le directeur), sorte de privilège qui échoit aux moumounes, j'imagine. 
J'ai mollement évoqué le SRAS, et la grosseur de mon dufflebag justifiait à lui seul mon hypocondrie contagieuse. Heureusement, les sherpas sont réapparus nourris par nos applaudissements et sans l'aide d'un GPS. Shiva est grand.

Des nanas et des yaks
Tout le monde se sacre du népal, me disais-je au départ. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai accepté d'y aller. Être porte-parole d'un trek de femmes au Népal m'effrayait davantage pour la portion femme que pour la portion trek. Je n'avais certes pas prévu m'exercer au stairmaster six heures par jour, sur 83 km, mais le cardio a tenu la route. 
La partie terrorisante, c'étaient ces femmes de tête, triées sur le volet, la plupart issues du travail social, du milieu communautaire, et même une jeune conseillère municipal de Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud. Des battantes, engagées, croyantes.
Ces participantes au trek sur le leadership au féminin font partie de la trame du tissus social québécois, mais on ne les voit jamais s'agiter à la télé. "Le leadership, ça ne se prend pas, on te le donne"., m'a dit Nathalie Morin, chargée de projets à l'Office municipal d'habitation de Montréal. Il y avait aussi un trek sur le thème de la santé et un trek autochtone au même moment, dans deux autres régions du Népal. En connaissez vous beaucoup, des femmes de 26-30-40-58 ans, qui réussissent à ramasser 4000$ pour aller faire du travail communautaire dans la grosse poussière pendant leurs semaines de vacances après avoir escaladé tous les pitons rocheux, grelotté dans la neige et sous la pluie, évité toutes les bouses de vache et au risque de se casser le cou? Moi non plus. 

Un pas vers le Nirvana
Elles m'ont sauvé la vie plus d'une fois, fait traversé des ponts suspendus au propre et au figuré en m'obligeant à chanter fort, tendu la main et délesté du sac à dos quand j'allais m'évanouir d'hypoglycémie au sommet d'un ravin. Des filles comme ça: capables d'accueillir, qui savent que ventiler, c'est déjà un pas vers le Nirvana.

L'utopie des unes, c'est le Prozac des autres
Le Népal, tout le monde s'en sacre, mais à force d'y être on s'y attache de plus en plus. Ce sont les Népalais qui nous observent et presque pas l'inverse. Coincée entre la réunionite aiguë et le lourd protocole du Centre d'étude et de coopération internationale (CECI)-Népal, mes trekkeuses et les attentes des villages qui n'ont jamais reçu la visite d'Occidentaux, je me suis réveillée une nuit dans ma tente pour écrire: "J'assiste à la rencontre au sommet d'une utopie bureaucratique d'ONG, au rêve de certaines participantes qui se sentent bousculées par un "programme ACDI inc" et à l'espoir d'un peuple enclavé dans ses montagnes qui pense que le tourisme le sauvra avant sa prochaine réincarnation. Très divertissant mais maudit que c'est de l'ouvrage. Je n'étais pas loin du délire propice à écrire des récits de voyage qui seront pilonnés par l'éditeur dans un an. N'est pas Alexandra David-Néel qui veut. 
Après 10 jours de trek, je n'ai jamais pu me réconcilier avec l'idée que nous étions venues parler de leadership à des femmes qui manquent de tout, surtout de l'essentiel (pour vos dons: www.ceci.ca).
Mais on ne va pas cracher dans la soupe; j'ai tendance à rechercher des résultats immédiats. Les filles qui m'accompagnaient, elles, sont formées dans l'action à petite échelle, dans l'intervention par groupuscule, dans le caring, le mentorship qui change le monde, le cas-par-cas, "le renforcement des capacités", l'empowerment par exemple, propulsées par une quête personnelle et apôtres de l'effet papillon.
"Moi, je veux agir à un niveau micro pour ne pas devenir cynique", m'a confié Myriam Fehmiu, chargée du vidéo institutionnel du CECI. "C'est seulement par là que je peux faire une différence."Ces filles là ne seront jamais décorées par le Gouverneur général du Canada. Encore que je les verrais bien recevoir l'Ordre du Canada des meilleures Poune. Patientes, généreuses, disponibles, pas du tout féministes-activistes-révolutionnaires-blabla-stérile qui se baladent avec leur diva cup comme signe de ralliement sur leur sac à dos. 
Des filles ordinaires mais sans fadeur --plutôt le contraire--, avides de faire bouger les choses dans le quotidien, au jour le jour, dans le concret. Des filles qui jouent volleyball et à la marelle avec des gamins népalais en se levant le matin, nu-pieds, avant d'enfiler leurs bottes pour aller affronter des montées qui n'ont rien à voir avec une ballade au mont Saint-Hilaire.
Davantage que les neiges éternelles, plus que les Népalais qu'elles qualifiaient de "relationnels", ce sont elles qui m'ont impressionnées. Tout simplement parce que j'ai pu mesurer le chemin qu'elles avaient parcouru et l'abîme culturel qui les séparaient de ces communautés perdues auxquelles l'Occident vient tendre la main du progrès tout en oubliant que le progrès, ça vient parfois avec des antidépresseurs, des dettes pis une télé pour s'oublier dedans.